CHASSER DU GIBIER
Une formule qui tendrait à décrire un film dont le seul devenir reste celui de la chasse : course-poursuite ; course ; fuite et course encore; The Chaser - Chugyeogja, premier long métrage de Hong-jin Na, tente de narrer l'histoire d'un ancien flic, devenu proxénète qui se met à chasser (en courant) le type qui chasse ses filles (en les tuant). Dis comme ça, ça n'a pas l'air brillant, en effet, mais le début du film comporte de bonnes idées : un début brut quasi in medias res, une mise en scène de la nuit glaciale, et un vrai rythme qu'un scénario alambiqué et tordu mène malheureusement droit à sa perte.
Trop riche, le film en plus de ce premier résumé comporte trois autres niveaux de lecture :
-une prostituée veut arrêter son activité pour élever sa fille.
-un maquereau mené, de force, vers la rédemption escalade plusieurs strates en enfer.
-la police cherche à couvrir un scandale politique (un maire éclaboussé par de la merde) par un scandale meurtrier (un serial-killer amateur de femmes)...
Si le film tranchait dans la direction à prendre ou avait su bien entremêler ces différents niveaux, il y aurait gagné à coup sûr ; or, le motif dominant reste celui de la chasse et de la course poursuite au sein de tous ces thèmes, et, Hong-jin Na pense pouvoir, de surcroît, les fédérer de la sorte. Peine perdue, la mise en scène assez classe du départ laisse peu à peu la place à une caméra survoltée et des effets de montage disgracieux cherchant à créer le rebondissement, la surprise dans chaque séquence sans se soucier de lier l'ensemble.
Toutefois, le film commet sa plus grosse faute de goût en multipliant la violence outrancière et esthétisée à mort ; une mort où l'amour ne peut donner lieu à un repentir quelconque, et un amour pour la mort que la mort elle même semble mener à la mère et son absence fulgurante. Mort ; amour, mère; pour paraphraser Vernant, un trio déséquilibré où la présence insistante de la mort, violente, déséquilibre le film.
Alors, incohérences scénaristiques et plot holes font leur chemin pour faire suivre son lot de coïncidences au récit. Quelle importance après tout, si cela est fait avec brio ; ce n'est pas le cas. Tout comme le fait que The Chaser - trop empreint ou trop influencé par Memories of murder - ne cherche pas non plus à se détacher du modèle hollywoodien du film noir et de sa créature monstrueuse qu'est le serial-killer. Puisqu'il en fait une figure sacrée, le centre du film, son champ d'existence sans mettre en cause une seconde son modèle.
Un modèle exporté, par ailleurs, d'un point de vue strictement français, puisque regarder ce film nous intéresse dans la propension qu'a le cinéma sud-coréen de nous décrire le monde policier comme un monde d'abrutis finis, d'incompétents patentés. Changement pour qui pense à Oliver Marshal ; Marshall du cinéma policier français depuis quelques années, qui cherche à mettre en avant le sceau d'authenticité que détiendraient ses films tout en les réalisant en suivant à la lettre le modèle dominant... Serial-Killer, lui aussi, à la clé.
Simon Pelegry
Une formule qui tendrait à décrire un film dont le seul devenir reste celui de la chasse : course-poursuite ; course ; fuite et course encore; The Chaser - Chugyeogja, premier long métrage de Hong-jin Na, tente de narrer l'histoire d'un ancien flic, devenu proxénète qui se met à chasser (en courant) le type qui chasse ses filles (en les tuant). Dis comme ça, ça n'a pas l'air brillant, en effet, mais le début du film comporte de bonnes idées : un début brut quasi in medias res, une mise en scène de la nuit glaciale, et un vrai rythme qu'un scénario alambiqué et tordu mène malheureusement droit à sa perte.
Trop riche, le film en plus de ce premier résumé comporte trois autres niveaux de lecture :
-une prostituée veut arrêter son activité pour élever sa fille.
-un maquereau mené, de force, vers la rédemption escalade plusieurs strates en enfer.
-la police cherche à couvrir un scandale politique (un maire éclaboussé par de la merde) par un scandale meurtrier (un serial-killer amateur de femmes)...
Si le film tranchait dans la direction à prendre ou avait su bien entremêler ces différents niveaux, il y aurait gagné à coup sûr ; or, le motif dominant reste celui de la chasse et de la course poursuite au sein de tous ces thèmes, et, Hong-jin Na pense pouvoir, de surcroît, les fédérer de la sorte. Peine perdue, la mise en scène assez classe du départ laisse peu à peu la place à une caméra survoltée et des effets de montage disgracieux cherchant à créer le rebondissement, la surprise dans chaque séquence sans se soucier de lier l'ensemble.
Toutefois, le film commet sa plus grosse faute de goût en multipliant la violence outrancière et esthétisée à mort ; une mort où l'amour ne peut donner lieu à un repentir quelconque, et un amour pour la mort que la mort elle même semble mener à la mère et son absence fulgurante. Mort ; amour, mère; pour paraphraser Vernant, un trio déséquilibré où la présence insistante de la mort, violente, déséquilibre le film.
Alors, incohérences scénaristiques et plot holes font leur chemin pour faire suivre son lot de coïncidences au récit. Quelle importance après tout, si cela est fait avec brio ; ce n'est pas le cas. Tout comme le fait que The Chaser - trop empreint ou trop influencé par Memories of murder - ne cherche pas non plus à se détacher du modèle hollywoodien du film noir et de sa créature monstrueuse qu'est le serial-killer. Puisqu'il en fait une figure sacrée, le centre du film, son champ d'existence sans mettre en cause une seconde son modèle.
Un modèle exporté, par ailleurs, d'un point de vue strictement français, puisque regarder ce film nous intéresse dans la propension qu'a le cinéma sud-coréen de nous décrire le monde policier comme un monde d'abrutis finis, d'incompétents patentés. Changement pour qui pense à Oliver Marshal ; Marshall du cinéma policier français depuis quelques années, qui cherche à mettre en avant le sceau d'authenticité que détiendraient ses films tout en les réalisant en suivant à la lettre le modèle dominant... Serial-Killer, lui aussi, à la clé.
Simon Pelegry
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