dimanche 14 décembre 2008

La Fabrique fête ses dix ans

L’excellente maison d’édition La Fabrique fête ses 10 ans. Au programme : une série de rencontres avec son fondateur Eric Hazan, avec les auteurs-maison (Alain Badiou, Jacques Rancière, Daniel Bensaïd, entre autres)… et une campagne de presse inattendue. Julien Coupat, saboteur présumé de voies ferrées, est en plus suspecté d’être philosophe, théoricien de l’ultra-gauche et auteur d’un petit livre sorti anonymement l’an dernier à la Fabrique : L’insurrection qui vient – qui depuis se vend très bien.

La presse, qui aime à suivre les conseils littéraires de la police, s’est emparé de ce petit livre de 128 pages pour en faire le « Que sais-je » du terrorisme, un « bréviaire de la lutte armée » (20 minutes), un « manuel de l’insurrection » (Le Parisien), dont elle n’a pas manqué de souligner les passages irréfutables :
« Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd'hui de
reconquérir et réinventer les moyens d'interrompre ses réseaux. Comment rendre
inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique ? »
« À chaque réseau ses points faibles, ses nœuds qu'il faut défaire pour que la circulation s'arrête, pour que la toile implose»
Le chevalier Dupin n’eût pas mieux fait : c’était là, bien lisible, et la Préfecture n’a rien vu ?

Une aubaine en tout cas pour jeter des regards suspicieux sur toute l’extrême gauche – que l’on savait déjà suspecte d’antisémitisme, comme la récente affaire Siné l’avait rappelé peu avant.

Plusieurs manifestes dans ce registre sont sortis ces dernières années, comme les Thèses pour le temps présent (1), plus modéré, sur le site Pièces et main d'oeuvre par exemple ("Il faut vivre contre son temps, voilà tout »). Il y a dans ces textes l'affirmation d'un refus plein de panache ; on peut peut-être parler à leur égard d'une revendication poétique (2). Urgence de cette revendication parmi les autres.

On peut lire cette table ronde ( http://nantes.indymedia.org/article/15318 ) qui leur fait tous les reproches qu'on peut leur faire : autisme, apragmatisme, snobisme, dilettantisme, contradictions, fanatisme (sectarisme), messianisme, apologie ambiguë de la violence...

« Ce livre est signé d’un nom de collectif imaginaire. Ses rédacteurs n’en sont
pas les auteurs. Il se sont contentés de mettre un peu d’ordre dans les lieux
communs d’une époque, dans ce qui se murmure aux tables des bars, derrière la
porte close des chambres à coucher. Ils n’ont fait que fixer les vérités
nécessaires, celles dont le refoulement universel remplit les hôpitaux
psychiatriques et les regards de peine. Ils se sont fait les scribes de la
situation. » (L'Insurrection qui vient)


Il faut promouvoir malgré tout la diffusion de ces textes, si on ne peut pas les défendre, parce qu'ils ont une fonction de réveil. Et ils sont peut-être assez grands pour se défendre tout seuls.



Balthazar Claës, Eyquem, JM

(1) : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Theses_pour_le_temps_present.pdf

(2) : « Ce qui frappe dans cette peinture sans nuance du désert, c’est le contraste entre le choix du pire que propose le contenu systématiquement désespérant des analyses proposées et le ton délicieusement enjoué et virtuosement littéraire qui caractérise son style rimbaldien », Yves Citton, « Projectiles pour une politique postradicale », Revue Internationale des livres et des idées, n°2, novembre-décembre 2007, page 17

2 commentaires:

Marco a dit…

Le livre L'insurrection qui vient est téléchargeable à l'adresse suivante :

www.lafabrique.fr/IMG/pdf_Insurrection.pdf

Adeline a dit…

On peut lire ceci aussi, un article de La Revue des ressources :

http://revue.ressources.org/spip.php?article1084